Le parcours de Christian Marclay, plasticien et musicien né en 1955, justifie amplement cette collaboration: la musique, prise à la fois comme outil d’expression artistique et comme objet de consommation culturelle, traverse toute son oeuvre, depuis ses premières performances avec son groupe The Bachelors, even, jusqu’à Video Quartet, installation vidéo qui revisite l’histoire du cinéma à travers de multiples représentations de musiciens. Mais ce sont aussi les instruments, les outils de reproduction, les objets, telles les pochettes de disques ou les cassettes, voire l’iconographie musicale qui lui procurent matière à détournement et assemblage.
Une démarche, que l’on dit inspirée de Duchamp et de l’esprit Fluxus, et qui tire parti, en le transposant dans l’univers postmoderne et mondialisé d’aujourd’hui, de tout ce pan de l’histoire des arts du xxe siècle qui met en lumière l’emprunt, le collage et le caractère emblématique de l’objet devenu art.
L’artiste met en scène de nouveaux langages sonores et visuels, y compris dans des performances/concerts qui donnent à entendre une partition imagée, Screen Play, par l’intermédiaire de trois groupes d’improvisateurs différents. Mais il a aussi hérité de la culture punk des années 1980 un discours carré, dont l’évidence frappe d’emblée le visiteur ou l’auditeur et qui remet en cause certains de nos préjugés et habitudes. Au-delà du caractère ludique et de l’humour distancié que revêtent certaines de ses pièces, il pose de vraies questions, d’une manière parfois plus percutante qu’un long discours. Guitar Drag ou la nouvelle installation Crossfire dénoncent les aspects les plus sombres de la culture contemporaine. Et l’on sait combien la musique et le cinéma peuvent aussi, de gré ou de force, véhiculer de tels contenus, avec ou sans regard critique.
Cette exposition à la Cité de la musique doit son actualité à la manière dont beaucoup d’entre nous «consomment» la musique et la culture de l’image: en zappant, par l’intermédiaire du son enregistré ou filmé, dans un éternel va-et-vient entre styles et époques, entre genres et traditions forcément divergentes, mais réunies sous l’emblème de ce que nous appelons musique. Il appartenait au Musée de rendre compte de ce regard d’artiste sur les représentations de la musique et leur signification en offrant au visiteur la possibilité d’appréhender autrement sa propre expérience de mélomane. Qu’une telle exposition existe sans objet physique, sans instrument ou autre médiateur de la pratique musicale, mais uniquement à partir d’images vidéos, n’est pas le moindre paradoxe de cette proposition.
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