Extase et transe
Cité de la Musique
31 enero-18 febrero 2006
Confronter différentes traditions musicales visant à bouleverser les rapports temporels, et à transporter l’auditeur dans un état second – en revenir à ce qui est, selon certains, l’essence même de la musique, son pouvoir magique, voire mystique : tel est l’objet du cycle « Extase et transe », que propose à partir du 31 janvier la Cité de la Musique, et qui s’appuie sur une programmation en tout point exemplaire, par sa richesse comme par sa pertinence.
Commencer par les Visions de l’Amen d’Olivier Messiaen (couplées avec des œuvres de Guillaume de Machaut, maître du Moyen Age français), c’est en effet le meilleur moyen d’entamer ce voyage en sept étapes à travers un temps suspendu : l’occasion de réaliser que, loin de l’image étriquée que l’on pourrait avoir d’elle (celle d’un compositeur confit dans sa foi), la musique de Messiaen est en effet l’une des plus sensuelles du XXe siècle – la religion et la sensualité étant toutes deux, après tout, affaire de grâce.
Le poursuivre par les mélodies en apesanteurs de l’Estonien Arvo Pärt (couplée avec des chants sacrés orthodoxes, le 1er février) est tout aussi intelligent –même s’il faut se garder de convoquer d’intellect à propos d’un cycle qui nous invite, précisément, à oublier de raisonner, et à nous délester non seulement des conventions, des « formats », des us et coutumes du monde musical « savant », mais aussi de nos propres repères et certitudes, entre autres carcans.
Ensuite, on gagnera progressivement les rivages de l’Inde (chants d’extase du Rajasthan, musique instrumentale et vocale carnatique) grâce à des passeurs occidentaux : Karlheinz Stockhausen, David Hykes et son Chœur harmonique (4 février), ou encore Terry Riley. Après avoir « inventé » la musique répétitive avec sa fameuse pièce In C (donnée par le remarquable ensemble belge Ictus, le 11 février), ce compositeur américain est parti s’initier aux traditions musicales indiennes, qui imprègnent aujourd’hui profondément une musique (notamment vocale) qui continue de se jouer allègrement des conventions institutionnelles : à cette occasion, nous nous sommes d’ailleurs entretenus avec Terry Riley sur sa vision de la musique (lire entretien ci-contre).
« Extase et transe » nous conduira également en Israël (œuvres de Steve Reich et chants traditionnels juifs yéménites, le 8 février), avant de nous laisser nous abandonner au cours d’une nuit électronique haute en couleur (le 18 février, de 20h à 2h), au cours de laquelle se succéderont Terry Riley au piano, Tony Conrad (autre disciple de La Monte Young) et William Basinski, et les rythmes diablement entêtants du Berlinois Errrorsmith et Thomas Brinkmann.
En sept étapes, un salutaire voyage au pays de la grâce – cette vérité qui se cache parfois derrière l’ivresse des sens, et des sons. Une expérience dont, espérons-le, beaucoup ressortiront changés.
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