Le silence a été remis à l’honneur et en débat dans les consciences individuelles et citoyennes par l’événement Charlie. Mais se limite-t-il à ces moments solennels ? A l’occasion de la Semaine du son, un sondage, confié à l’institut Ipsos, sur les nouvelles pratiques d’écoute, prouve que 48?% des auditeurs disent avoir aussi besoin de silence. Or, celui-ci s’avère si rare dans notre monde bruyant que des casques antibruit sont vendus dans le commerce !Les organisateurs de la Semaine du son, Christian Hugonnet et Véronique Balizet, ont voulu dédier une journée à l’appel du silence. Lors de ma conférence, j’ai rappelé que le silence forme la couleur des événements et des rapports humains en se teintant de toutes les infinies nuances de nos vies. En cela, il y a autant de silences que d’adjectifs : des tristes, épais, gris, angoissés ou désespérés, mais aussi des joyeux, aériens, colorés, amoureux, magiques…Si l’on peut jouer à repérer tous les infinis silences qui forment la toile de fond de nos existences, ils ne se limitent pas à l’extérieur, mais concernent évidemment notre intériorité, souvent polluée par nos propres bruits mentaux et émotionnels. Le silence en soi n’existe pas, mais seulement celui pour soi. En cela, le philosophe Michel Serres a pu écrire : « Le très précieux de ce que je sais reste enchâssé de silence. »Bien sûr, il faut laisser la place nécessaire à nos bavardages et conversations. D’ailleurs, sans les paroles qui l’entourent, le cerveau d’un bébé ne se développe pas. Si le bruit se trouve être aujourd’hui la signature de notre environnement sonore et mental, le silence brille par son absence supposée. Nous devons donc le traquer dans tous les interstices où il se cache. Le compositeur John Cage disait : « Le silence, c’est du temps perforé par les bruits. » En fait, le silence se gagne, il s’explore, il se découvre à celui qui le cherche.Nous avons tous expérimenté ces promenades en pleine nature où le paysage, qu’il soit de mer, de montagne ou campagnard, pénètre en nous et nous ressource en profondeur : cet état de ravissement subtil se produit lorsque nous avons réussi à faire silence en nous au fil de la marche et de notre respiration consciente. On peut retrouver cette plénitude partout, dans les rues d’une ville, au bureau, dans le métro, chez soi : cela s’appelle la présence, une présence pleine de calme et d’attention. Un sage laïque, Krishnamurti, a tiré de sa pratique de la méditation cette formule lumineuse : « Avoir l’esprit silencieux sans y être contraint est un grand art : le vide enseigne à voir. » Redécouvrir, ne fût-ce que fugacement, le silence en nous et autour de nous, ouvre un espace-temps qui nous éclaircit.
Ecoutons le son du silence | Marc de Smedt
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